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La rumeur du 28 mars
DEPUIS 15 jours une rumeur largement répercutée sur Internet et dans
certains journaux annonce une attaque - le plus souvent aérienne - contre
l’Iran et ses installations nucléaires. Comme il n’ y a pas de fumée
sans feu, cette information vient bien de quelque part. Il y a tout
d’abord une déclaration de Vladimir Jirinovski chef d’un parti
nationaliste russe radical et connu pour ses déclarations fracassantes.
D’habitude, on ne porte pas tant d’intérêt aux propos de
l’incontrôlable politicien moscovite. Il évoque le 28 mars car cela
correspond aux élections israéliennes. Cela correspond surtout à une
autre déclaration, celle du premier ministre par intérim Ehud Olmert qui
avait affirmé que si fin mars l’ONU n’avait pas dénucléarisé
l’Iran, Israël s’en chargerait lui - même. Alors, certes, la date du
28 mars parait peu crédible, mais cette rumeur renforce une inquiétude
internationale alors que Donald Rumsfeld n’avait pas caché que «
l’option militaire était sur la table ». Il semble bien que la «
guerre des mosquées » en Irak rende inimaginable tout scénario guerrier
contre Téhéran, en tout cas pour le moment. Il est cependant certain que
des éléments objectifs donnent à penser que quelque chose se préparait
et que l’on pourrait reculer pour mieux sauter. Début janvier, le chef
de la CIA était en Turquie. D’après la presse allemande, il aurait
négocié l’utilisation de bases turques pour des actions contre
l’Iran. Un comité des « dangers du présent » aux USA a publié un
livre blanc très anti-iranien qui évoque celui sorti sous le nom »
project for a new american century » et qui avait précédé de peu la
guerre contre Bagdad. Téhéran fait état dans certaines régions
d’actes de sabotage qui ressemblent à des tests d’infiltration.
Il y a donc un faisceau d’indices matériels.
Cependant sur les motivations de frappes pour déstabiliser le régime des
mollahs dans l’espérance d’un soulèvement (malgré l’échec du
précédent irakien) le nucléaire est loin d’être seul à être
invoqué. On parle de plus en plus de pétrole et de dollar. A la mi-mars
doit naître une « bourse iranienne du pétrole » l’ IOB. Les
transactions autour de l’or noir se feront en euros et en yen. La guerre
contre Saddam Hussein rappellent des observateurs a été programmée
après la décision de l’Irak de vendre son pétrole contre des euros.
Immédiatement est sorti le bobard des armes de destruction massive.
Depuis que les USA ont imposé leur monnaie au monde en affirmant qu’il
était inutile de lier l’argent de papier à sa couverture or-
l’effondrement du billet vert est une hantise américaine. Les USA ne
peuvent accepter que des pays de plus en plus nombreux se détournent du
dollar, ou lui substituent d’autres devises. La menace monétaire est
sans doute plus grave pour Washington que la menace nucléaire même
dirigée contre l’allié israélien. Pendant la période où le
programme irakien pétrole contre nourriture avait été négocié en
euros, la monnaie américaine avait perdu près de 20 % de sa valeur. Une
des premières mesures de l’occupant a été de rétablir le dollar
comme référence des transactions pétrolières irakiennes. L’économie
US qui repose largement sur la planche à billet pourrait être ébranlée
par la stratégie iranienne de l’IOB qui pourrait séduire Chavez et les
Chinois. La bombe iranienne serait alors un prétexte. Il faut avant tout
sauver le soldat dollar. Ce ne sera sans doute pas le 28 mars, mais face
à l’enjeu et au danger planétaire d’une telle action la date
finalement importe peu.
Patrice Zehr
Mis en ligne le 12 mars 2006